Le quai des brumes (1938) Marcel Carné


La belle et le fuyard


'Le quai des brumes' est emblématique du courant du "réalisme poétique" très en vogue en France dans les années trente et sans vouloir limiter ce type cinématographique aux seuls deux mots qui le composent, on peut dire qu'ils collent pourtant à la peau du long métrage de Marcel Carné. Les décors et les dialogues sont ciselés pour créer une vision fantasmée, romantique et désabusée de la réalité.

Dans un port du Havre envahi par une brume mélancolique, Jean est un soldat en fuite qui va croiser la route de la jolie Nelly et de la petite bande de marginaux du coin. Dans ce contexte populaire propice au drame, les secrets et les rancoeurs ne demandent qu'à exploser. Les sentiments aussi ...

Le film est esthétique, les dialogues de Jacques Prévert sont évidemment bien écrits entre argot et français châtié ("T'as d'beaux yeux, tu sais !") quitte à apparaître ampoulés à certains moments (c.f. la tirade du peintre suicidaire) et le scénario adapté d'un roman des années vingt est intéressant à découvrir. Mais comme dans beaucoup de vieux films, c'est le surréalisme de certaines situations et l'interprétation des comédiens qui m'ont gêné, même si je sais que je ne devrais pas y prêter plus attention que cela compte tenu du fait qu'il s'agit d'un film d'avant-guerre et que les moeurs et la façon de jouer ont évolué depuis. Jean Gabin est agaçant avec ses manières versatiles et bourrues, Michèle Morgan est sublime en statue de cire mais quand elle s'affole, cela ne sonne plus très juste et Pierre Brasseur est presque ridicule en crapule lâche. Seul Michel Simon est bien en salaud aux abords rassurants. Au final, un film agréable qu'il me fallait absolument découvrir dans ma quête au long cours des grands classiques du cinéma mondial.