Hôtel de Nord (1938) Marcel Carné

 

La romance de Paris


Classique parmi les classiques, il y a naturellement 'Hôtel du Nord' de Marcel Carné, film de 1938. Ces derniers temps, depuis une croisière entre amis sur le canal Saint-Martin à Paris, il me tardait de le découvrir. Un ample hommage est rendu au film lors de cette promenade touristique au fil de l'eau entre le pont de l'Arsenal à Bastille et le jardin de la Villette. De la péniche, on aperçoit l'hôtel du nord, qui n'en est plus un car, tombé en décrépitude et menacé de destruction, il a été réhabilité dans les années 1990 grâce aux efforts des riverains, en immeuble d'habitation avec un café-restaurant au rez-de-chaussée. On apprend notamment que le film n'a pas été tourné quai de Jemmapes, à cause d'une interdiction de tournage sur les lieux, mais dans de très réalistes décors reconstitués à Boulogne.
Le scénario du film tourne autour d'un couple à la dérive (Annabella et Jean-Pierre Aumont) dont, il faut bien l'avouer, on a du mal à comprendre le désarroi. Un beau soir, ils prennent une chambre à l'hôtel pour tenter de commettre l'irréparable suicide. Pour faire le ciment et "l'atmosphère" de ce drame, l'hétéroclite et colorée population de ce quartier populaire du 10ème arrondissement de Paris est dépeinte avec réalisme et légèreté. Chacun des protagonistes rêve d'une vie meilleure ailleurs mais, au final, restent attachés à leur petit port d'attache. On y croise parmi les acteurs les plus connus : Louis Jouvet, Bernard Blier, François Périer (en surprenant et subtil homosexuel - personnage que je ne m'attendais pas à découvrir dans un film d'avant-guerre) et bien sûr Arletty qui tient, à mon grand étonnement, un rôle secondaire bien qu'elle crève effectivement l'écran en prostituée à l'allure et au bagout impayable, typique du Paris populaire. Elle devient pour la postérité la figure de proue du film en volant la vedette à la gentille Annabella.  A part quelques scènes un peu mièvre entre Annabella et Aumont, cet 'Hôtel du Nord' m'a presque fait l'effet d'un film moderne, avec du rythme et une belle photographie. Et puis quels dialogues ! Ce portrait d'un petit monde disparu, que mes grands-parents ont bien connu dans les années 1930, m'a fait l'effet d'une délicieuse gourmandise.