Le vilain petit canard (2010) Garri Bardine

 
Black Swan, la revanche
 
Loupé en salles quand il est sorti en France en 2011, j’avais toujours gardé en tête l’envie de découvrir un jour ou l’autre cette adaptation du fameux conte d’Andersen : l'histoire du vilain petit canard qui, par un coup du destin, sort de sa coquille dans une basse-cour qui ne veut pas de lui car il ne ressemble pas aux autres rejetons de la maman cane. Plus il recherche l’affection des autres, moins il l’obtient. Rejeté et moqué, il finit par s’enfuir de la communauté mais, revanche sur les autres et sur lui-même, en l’espace d’une saison il va grandir et devenir un magnifique cygne. Comme d’autres, enfant, j’ai été touché par cette histoire qui ramène chacun de nous à ce qui lui semble douloureusement différent chez lui. Un conte flippant donc, mais avec heureusement un épilogue rassurant.
 
Je dirais que cette adaptation russe a la qualité de ses défauts et le défaut de ses qualités. Réalisée en « stop motion » (technique « image par image » de marionnettes, comme pour ‘Frankenweenie’, ‘Chicken run’ ou encore ‘Wallace et Gromit’), cette réalisation de Garri Bardine n’a pas bénéficié du budget des films d’animation américains issus de la même technique. Les 100.000 images environ de ce petit film d’1h15 ne sont pas suffisantes pour fluidifier totalement le mouvement des oiseaux. Du coup, il fait un peu bricolé. Mais, le côté imparfait de l’ensemble, l’effet carton-pâte un peu noir, pas sexy pour un sou, ajoute paradoxalement un charme à ce film dont la plus-value provient principalement de sa bande originale. La musique de Tchaïkovski est un vrai plus, il est même la signature du film. Les bestioles à plumes chantonnent de leur voix de canard des chansons un peu simplettes adaptées du ‘Lac des cygnes’ et de ‘Casse Noisette’. Rien de très sexy sur le papier encore une fois, mais c’est finalement une jolie idée décalée qui imprime le film de sa marque.
 
Le film est très « russe » et c'est très bien. La scène emblématique de cet esprit est, pour moi, celle du papa et de son fiston canards sauvages qui finissent mal tous les deux. Par son romantisme noir, digne d’un drame tolstoïen, elle est belle et lyrique. Ce ‘Vilain petit canard’ est tout de même presque excessivement dramatique et sombre. Pas un coq, pas une oie ou même un caneton qui soit un minimum sympathique dans cette microsociété quasi-fasciste (le défilé militaire est marrant). Le pauvre « caneton » n’arrête pas de se faire rejeter, railler, bousculer et même frapper. C’est en ça très éloigné des scénarios américains dans lesquel le petit canard aurait eu au moins sa meilleure copine la grenouille pour l'aider à supporter son fardeau et quelques aventures supplémentaires auraient parsemé sa route pour rendre l’intrigue plus épique et peut-être plus légère. Ici, il faut bien avouer qu’il ne se passe pas grand-chose. Heureusement, un renard pas si malin rode tout de même dans les parages ...
 
La fin m’a déçu car on profite trop peu du vilain petit canard devenu cygne. Il s’envole rejoindre ses congénères. Si j’avais été à sa place, je leur aurais bien plus rabattu le caquet à ces volailles mal embouchées …