Black Swan, la revanche
Loupé en salles quand il est sorti en France en 2011, j’avais
toujours gardé en tête l’envie de découvrir un jour ou l’autre cette
adaptation du fameux conte d’Andersen : l'histoire du vilain
petit canard qui, par un coup du destin, sort de sa coquille dans
une basse-cour qui ne veut pas de lui car il ne ressemble pas aux autres
rejetons de la maman cane. Plus il recherche l’affection
des autres, moins il l’obtient. Rejeté et moqué, il finit par
s’enfuir de la communauté mais, revanche sur les autres et sur lui-même,
en l’espace d’une saison il va grandir et devenir un
magnifique cygne. Comme d’autres, enfant, j’ai été touché par cette
histoire qui ramène chacun de nous à ce qui lui semble douloureusement
différent chez lui. Un conte flippant donc, mais avec
heureusement un épilogue rassurant.
Je dirais que cette adaptation russe a la qualité de ses défauts
et le défaut de ses qualités. Réalisée en « stop motion » (technique «
image par image » de marionnettes, comme pour
‘Frankenweenie’, ‘Chicken run’ ou encore ‘Wallace et Gromit’), cette
réalisation de Garri Bardine n’a pas bénéficié du budget des films
d’animation américains issus de la même technique. Les
100.000 images environ de ce petit film d’1h15 ne sont pas
suffisantes pour fluidifier totalement le mouvement des oiseaux. Du
coup, il fait un peu bricolé. Mais, le côté imparfait de l’ensemble,
l’effet carton-pâte un peu noir, pas sexy pour un sou, ajoute
paradoxalement un charme à ce film dont la plus-value provient
principalement de sa bande originale. La musique de Tchaïkovski
est un vrai plus, il est même la signature du film. Les bestioles à
plumes chantonnent de leur voix de canard des chansons un peu simplettes
adaptées du ‘Lac des cygnes’ et de ‘Casse Noisette’.
Rien de très sexy sur le papier encore une fois, mais c’est
finalement une jolie idée décalée qui imprime le film de sa marque.
Le film est très « russe » et c'est très bien. La scène emblématique
de cet esprit est, pour moi, celle du papa et de son fiston canards
sauvages qui finissent mal tous les deux. Par
son romantisme noir, digne d’un drame tolstoïen, elle est belle et
lyrique. Ce ‘Vilain petit canard’ est tout de même presque
excessivement dramatique et sombre. Pas un coq, pas
une oie ou même un caneton qui soit un minimum sympathique dans
cette microsociété quasi-fasciste (le défilé militaire est marrant). Le
pauvre « caneton » n’arrête pas de se faire rejeter,
railler, bousculer et même frapper. C’est en ça très éloigné des
scénarios américains dans lesquel le petit canard aurait eu au moins sa
meilleure copine la grenouille pour l'aider à supporter
son fardeau et quelques aventures supplémentaires auraient parsemé
sa route pour rendre l’intrigue plus épique et peut-être plus légère.
Ici, il faut bien avouer qu’il ne se passe pas
grand-chose. Heureusement, un renard pas si malin rode tout de même
dans les parages ...
La fin m’a déçu car on profite trop peu du vilain petit canard
devenu cygne. Il s’envole rejoindre ses congénères. Si j’avais été à sa
place, je leur aurais bien plus rabattu le caquet à ces
volailles mal embouchées …