Tant qu'il y aura des hommes (1953) Fred Zinnemann


Maintenant et à jamais


De Tant qu’il y aura des hommes, je ne connaissais que le passage emblématique connu de presque tous lorsque Deborah Kerr et Burt Lancaster, allongés sur une plage, s’enlacent tandis que les vagues s’écroulent sur eux. L’évocation émerveillée du film dans un épisode de la série Sense8 m’a refait prendre conscience de ce classique du cinéma américain qui rafla presque tout aux Oscars de 1954. Autant la scène précitée est mythique, autant elle me paraît anecdotique au milieu d’un film beaucoup plus choral qu’on pourrait le penser sauf à regarder de plus près la prestigieuse distribution. Au couple Kerr-Lancaster s’oppose celui moins cynique, mais également moins racé, de Donna Reed et Montgomery Clift. Cerise sur le gâteau, Frank Sinatra crève l’écran en sympathique chien fou.

Le film est un mélodrame sous le soleil d’Honolulu mais également un film de guerre. L’intrigue se déroule en 1941 et non pas dans les années cinquante comme je l’ai d’abord cru jusqu’à ce que dans les dernières minutes des deux heures du film, les avions japonais fassent leur apparition dans le ciel d’Hawaï pour bombarder Pearl Harbor. Pourtant le propos du film n’est pas la guerre mais plutôt l’armée en temps de paix. C'est la critique gonflée d’un microcosme gangréné par l’oisiveté, l’arbitraire des petits chefs et le relâchement des mœurs. N’est-il en effet pas osé pour cette époque de guerre froide si proche de la dernière guerre mondiale de voir Burt Lancaster courtiser presque ouvertement la femme de son supérieur ? A l’inverse, et c’est plus logique au milieu du vingtième siècle, le sexisme transpire de ce scénario où la femme est dépeinte comme une créature à la recherche d’argent et de position sociale même si elle est assez faible pour ne pas résister à la virilité pleine de toupet d’un Lancaster ou à la sensibilité torturée d’un Clift, de trop maigres prises pour les deux protagonistes féminines de l’histoire.

Tant qu’il y aura des hommes a marqué son époque, il m’a plu aussi. Les deux moments marquants du film à mes yeux sont ceux mettant en scène l’insaisissable et attachant Monty Clift avec un instrument de musique à la bouche : il sonne le clairon à la mort de son ami et dans un autre contexte, il improvise un solo de trompette dans un bar alcoolisé. Le premier est déchirant et le second touché par la grâce.